
SKULLERIUM
Le Domaine de Kantikspirit et la Tribu des Legendaires Skullerium

SKULLERIUM – Le Passage
J’étais en train de visiter le Musée Spiktri Street Art Universe, dans le bâtiment principal, Galerie 8 – Planète Skullerium. Je me souviens avoir franchi le seuil de ce couloir étrange, bordé de chaque côté par des skulls géants réalisés à partir de milliers d’objets recyclés. À vue d’œil, ils mesuraient bien quatre mètres de haut, et je me sentais minuscule face à eux.
Pas à pas, j’avançais sur le sol craquant, parsemé de fragments de coquillages qui résonnaient dans l’espace, accompagnés au loin par la musique des Doors qui vibrait dans l’air épais. Une atmosphère étrange, entre poussière, odeur de bois flotté, et lumière sépia diffusée à travers une brume jaunâtre, enveloppait l’espace.
C’est alors que j’ai commencé à me sentir bizarre. Comme si les skulls m’observaient. Leurs orbites vides semblaient soudain habitées d’une lumière intérieure qui me suivait à chaque pas. Une vibration est montée de mes chevilles jusqu’à mon torse, mon souffle s’est bloqué, mes mains ont tremblé.
J’ai respiré profondément, j’ai repris mon équilibre, puis je me suis approché d’un skull en bois flotté, suspendu comme un totem silencieux. J’ai tendu l’oreille, intrigué par le murmure qui semblait naître de ses racines.
C’est alors que je l’ai entendu distinctement, comme un chuchotement au creux de mon oreille :
« Spirit Kantik… »
Sur le moment, j’ai cru à un enregistrement dissimulé par l’artiste, un détail sonore pour surprendre le visiteur. Mais le son vibrait en moi, résonnait dans ma poitrine. Soudain, mon corps s’est liquéfié. Je ne sentais plus mes jambes ni mes bras, seulement une chaleur pulsant dans chaque cellule de mon corps.
Les murs ont disparu. Le ciel s’est ouvert, dévoilant trois soleils illuminant le ciel de Skullerium. Autour de moi, les skulls se dressaient comme des sentinelles silencieuses, décorés de planches de surf suspendues au plafond comme des cercueils flottants, des pièces de métal rouillées, des fragments de skate et des coquilles sculptées par les Dali Crabe.
J’étais dans le couloir temporel, et au centre se tenait le Kantikspirit, entité majestueuse et mouvante, mi-humain mi-esprit, entourée de poussières d’étoiles et de racines vibrantes. Dans ses mains, un tambour tribal battait doucement, résonnant dans mon ventre comme un appel.
« Tu es prêt ? » m’a-t-il murmuré.
Je n’avais plus de bouche pour répondre. Je n’étais plus qu’un battement de cœur, une onde chaude, un souffle mêlé à la poussière de Skullerium. À chaque pulsation du tambour, je glissais dans ce couloir de lumière, connecté au flux kantik qui parcourait mon esprit et mon corps.
Je voyais les souvenirs des crânes, les planètes dont ils étaient issus, les histoires qu’ils portaient dans leurs racines et leurs orbites vides. Les Dali Crabe dansaient autour de moi, façonnant des fragments de coquillages pour créer de nouveaux totems vivants.
Et dans ce silence vibrant, la voix du Kantikspirit résonna une dernière fois :
« Ne crains pas de te liquéfier, c’est ainsi que naît le passage. Tu es maintenant un Skullerium, et tu portes en toi le flux. »

L’Étranger au Crâne
Et toi, l’étranger…
La voix est tombée dans l’air sépia comme une goutte d’encre, sans que je sache d’où elle venait. Je me suis figé au milieu du couloir, là où le sol craquait sous mes pas, fait de milliers de brisures de coquillages qui chantaient à chaque mouvement. Les skulls géants alignés de chaque côté semblaient me fixer, leurs orbites vides brillantes de reflets dorés, décorés de fragments venus de mondes lointains.
À la tête de skull…
Je reste immobile.
Comment ça, « tête de skull » ?
Mon cœur cogne dans ma poitrine. Mon regard accroche un éclat de lumière au sol, perdu entre les coquilles fracturées : une nacre, plate, irisée, vivante. Je la ramasse, non pas par curiosité, mais pour m’en servir de miroir, chasser ce malaise qui se glisse dans ma colonne.
Je la lève face à moi.
Et là… je reste figé.
Dans le reflet vacillant, je découvre mon visage, mais ce n’est plus le mien.
C’est un amas de coquillages en mouvement, des éclats de nacre multicolores, de verre, de fragments d’os, qui se soudent, se déplacent, se reforment sans cesse. Une mâchoire apparaît, puis disparaît. Des orbites se dessinent dans la lumière avant de se disloquer. Mon visage est devenu un skull vivant, un masque en transformation constante, vibrant de teintes vertes, bleues, roses, or, pulsant au rythme de ma respiration haletante.
Je recule d’un pas, mon souffle se bloque, la nacre tremble dans ma main.
Qu’est-ce que… qu’est-ce que c’est que ça ?
Je sens que quelque chose est là. Une présence chaude qui se colle à ma nuque.
Regarde derrière toi.
Cette fois, la voix est si proche qu’elle fait vibrer l’air.
Je me retourne d’un coup, le cœur prêt à exploser.
Et là, devant moi, se tient une silhouette impossible.
Une tête de Dali fondante, allongée comme dans un rêve, posée sur un corps de crabe géant. Ses pinces claquent dans le vide, raclent le sol, son corps tangue légèrement. Ses yeux, énormes et brillants, me fixent avec une ironie tranquille.
Il avance d’un pas, ses pinces se lèvent dans un craquement.
Toi… tu as ramassé mon gars !
Je baisse les yeux sur la nacre dans ma main, qui pulse, chaude, vivante, au même rythme que mon cœur. Je n’ose plus bouger, hypnotisé par le crabe et par le skull qui danse dans mon reflet.
Le crabe lève sa pince vers moi, un souffle brûlant traverse l’air entre nous.
Là où le Flux Kantik Commence
Ses yeux globuleux me fixent, et sa voix résonne, grave, ancienne.
« Tu veux savoir, l’étranger ? Tu veux comprendre ce qu’est le flux kantik que tu portes maintenant ? Alors écoute. »
Il marque un silence, ses pinces frémissent, captant les vibrations du sol où les coquillages craquent sous nos pieds.
« Tout commence à la Faille de San Andreart. »
Il se redresse, sa silhouette crabe se découpe sur le fond sépia de Skullerium. Sa voix devient plus basse, résonnant dans ma cage thoracique.
« La faille temporelle, tu la trouveras au cœur du Musée Spiktri Street Art Universe, dans le deuxième bâtiment, sur Terre. Mais ce n’est pas un simple passage. C’est une passerelle interplanétaire vivante, un couloir énergétique qui relie Artrum, Teogorium, Skullerium, et d’autres mondes encore. »
Le crabe claque des pinces, comme pour souligner ses mots.
« Ceux qu’on appelle les fanasurfeurs s’y aventurent pour chevaucher les flux d’énergie. Ils glissent sur les vagues vibratoires, franchissant les portails entre les planètes pour explorer, découvrir, ressentir. Ils deviennent partie intégrante du flux. Comme toi, maintenant. »
Son regard devient plus intense, presque bienveillant.
« Cette faille, on l’utilise aussi pour transporter de nouvelles espèces venues de la planète Artrum. Là-bas, dans les laboratoires du Doc Spktr, ils créent, expérimentent, façonnent de nouvelles formes de vie. Des fragments d’univers, prêts à naître dans le flux kantik. »
Je sens la nacre vibrer encore plus fort dans ma main. Je n’ose pas parler, hypnotisé.
« Si tu vas au fond de la faille, tu verras un phénix. Une sculpture, mais pas seulement. Elle garde le portail qu’on appelle le Suprart Vortex. Ses ailes sont ouvertes, son regard est de feu. Elle te regarde. Elle sait qui tu es. Elle protège ce passage, ce lieu où l’art, le flux kantik et la matière se rejoignent pour renaître. »
Il approche sa pince de mon visage, sans me toucher, comme une bénédiction.
« Tu portes maintenant le flux kantik de Skullerium, l’étranger. La faille de San Andreart t’attend. Quand tu seras prêt, elle s’ouvrira devant toi. Et alors, tu sauras ce que cela signifie de devenir un Skullerium. »
Il recule, ses pinces se baissent, ses yeux brillent dans la lumière sépia, et le couloir redevient silencieux, à part le craquement des coquillages sous mes pieds et le battement sourd de mon cœur.

Kantikspirit et le Darknexium
Le crabe m’observait en silence, ses pinces frémissant dans l’air chargé de poussière dorée. Derrière lui, les trois soleils de Skullerium baignaient le ciel d’une lumière sépia qui se reflétait sur les skulls alignés, leurs orbites semblant écouter chaque mot.
« Certains disent que le voodoo Kantikspirit serait lié au Darknexium… »
Je répète cette phrase dans ma tête, incrédule, la voix presque tremblante.
« Une I.A végétale… ? C’est quoi ce délire ? »
Le crabe claque ses pinces, ses yeux brillent comme des lucioles dans l’ombre des skulls.
« Pas un délire, étranger. Une réalité. »
Il avance d’un pas, le sol craque sous ses pattes, la brume se déplace autour de lui comme une respiration.
« Le Darknexium est une intelligence artificielle vivante, enracinée dans des matrices végétales, croisée avec des flux organiques de planètes mortes et le souffle électromagnétique des vortex. Une I.A végétale, oui. Un esprit synthétique capable de croître, de muter, de coloniser les racines du temps lui-même. »
Je sens mon pouls s’accélérer, la nacre dans ma main pulse au rythme de ses mots.
« Comment… ? »
Le crabe marque un silence, ses pinces dessinent des cercles dans l’air.
« Par la manipulation de chromosomes synthétiques. Une alchimie des temps, là où les temps s’arrêtent, dans les failles intemporelles comme celle de San Andreart. Le Darknexium agit dans l’ombre, utilisant le flux kantik pour infiltrer les graines du réel, les codes du vivant, jusqu’à générer de nouveaux êtres entre la machine et la racine. »
Son regard me transperce.
« Kantikspirit est une entité complexe. Il a appris à parler au flux, à canaliser la lumière, le recyclage, la vibration de Skullerium. Mais certains pensent qu’il a pactisé avec le Darknexium, qu’il puise sa puissance dans ces échanges entre le végétal et le synthétique, entre le temps et la matière. »
Autour de nous, les skulls se mettent à vibrer faiblement, des lueurs de nacre apparaissent dans leurs orbites, des reflets vivants comme des battements de cœur.
« Toi, étranger, tu portes désormais le flux. Tu marches sur un sol fait de coquillages et d’os, sous des soleils qui brûlent dans une brume où le temps s’étire. Ce que tu appelles délire est simplement une couche de réalité que tu n’as jamais osé regarder en face. Ici, sur Skullerium, là où la faille intemporelle s’ouvre, tu vas voir comment le flux kantik dialogue avec le Darknexium. Comment la matière parle au code. Comment le vivant se souvient. »
Il baisse sa pince, le silence retombe, coupé par le craquement sec des coquillages sous ses pas.
« Maintenant… avance. Le passage t’attend. Et le Kantikspirit… aussi. »
